Le 1F50 Bersier - Chapitre précedente : Les Insolites. Etude de cas.

Etude 1.

Le document ci-dessous, est, à première vue, une lettre banale adressée de France à un commandant de gendarmerie de Colmar, mais qui, quand on la regarde en détail, révèle un parcours particulier.



Note.

Ces détails, je n'aurais pas réussi à les trouver seul, mais heureusement, l'étude d'une lettre tout à fait similaire est parue dans le n° de février 2015 de "Timbre Magazine" sous la plume de Guy Prugnon de l'Académie de Philatélie que je félicite et remercie au passage !

La lettre qui fait l'objet de cette étude, est très semblable à la mienne. Même enveloppe, même cachets, même étiquettes, même dates ! La seule différence est le destinataire qui est, cette fois, "Monsieur le Préfet du Haut Rhin".
Ces similitudes laissent imaginer que ces lettres ont été "fabriquées" volontairement.


Les détails.

Premier détail : si on regarde de près, le timbre a été collé sur une première oblitération circulaire.

Ce cachet est très peu visible sur cette lettre mais il est plus apparent sur la lettre de l'étude dont je viens de parler. Elle permet même de préciser qu'il s'agit de l'oblitération de Gueret dans la Creuse.

On peut dire à ce point de la recherche, que cette lettre a donc été expédiée non affranchie de Gueret vers le Commandant de la gendarmerie de Colmar.

L'expéditeur ignore, ou feint d'ignorer, que l'alsace a été annexée à l'Allemagne depuisle 18 octobre 1840. Et que, de ce fait, le département du hut-Rhin n'existe plus !
La lettre est donc taxée comme il sez doit. On voit le timbre "T" dans un triangle et le montant de la taxe qui est de 0,50 francs or.

Cette valeur est importante car elle nous permet de savoir quel tarif a été appliqué et, par là, la période à laquelle la lettre a été expédiée.

Selon le tarif du 1er janvier 1940, le port d'une lettre pour l'étranger ets de 2f50. la taxe est donc égale au double de 'insuffisance, c'est à dire de 2 fois 2,50 = 5 francs. le coefficient franc français/franc or étant à cette date de 10, la taxe est bien de 0,50 francs or.
Si le tarif du 1er février s'était appliqué, le tarif de la lettre pour l'étranger aurait été de 4 francs, et donc la taxe de 8 francs. Le coefficient francs/francs or étant passé à 14, la taxe aurait étée de 0,57 francs or.
La lettre a dont été expédiée, la première fois, avant 1er février 1942. Mais comme il n'y a pas de timbre d'arrivée au verso, c'est que l'envoi non affranchi a été une première fois refusée avant d'être acheminé jusqu'à colmar.

Une étiquette "Annahme, verweigert, refusé" est alors collée au recto de la lettre qui est retournée en France après l'annulation par une croix à la plume de la mention "Nachgebühr" (Taxe à Percevoir).

C'est sans doute lors de ce premier envoi que la lettre a été ouverte par la censure allemande.

Ici se posent deux questions auquelles il est difficile de répondre :
- Comment la poste française a-t-elle retrouvé l'expéditeur de lla lettre qui n'avait pas mis son adresse au verso ?
- Pourquoi la lettre est-elle restée si longtemps en souffrance ?
En effet, ce n'est que le 27 novembre 1942 que la lettre est de nouveau postée au bureau du Boulevard Malesherbes, à Paris, et cette fois affranchie à 1f50, donc au tarif intérieur, sans que soit modifiée pour autant l'adresse du destinataire.

Donc, notre lettre repart pour Colmar où elle arrive le 8 décembre 1942. Bien entendu, comme nous l'avons vu plus haut, l'Alsace a été annexée, Colmar est deveun "Kollmar", le Bas-Rhin n'existe plus et l'Alsace est devenue "Elsass". Ces deux mentions sont donc raturée au crayon bleu et le cachet d'arrivée porte les noms allemands.

Comme l'affranchissement à 1f50 étant insuffisant pour le tarif "étranger" il faut à nouveau calculer le montant de la taxe. Nous sommes à présent en 1942, les nouveaux tarifs sont applicables. Le prix de l'affranchissement est de 4 francs, il y a donc une insuffisance de 2,50 francs, et le montant de la taxe est de 5 francs. A cette époque, 1 pfenning = 16 francs, la taxe à acquiter, en pfenning, est de 500:16 = 31,25pf, arrondis à 32 pfennings comme indiquée au crayon bleu.

Mais la lettre sera refusée une nouvelle fois! Soit parceque la taxe à acquiter était trop forte, sois, plus probablement, parceque l'adresse de destination n'existait plus. En effet, l'armée allemande ayant plris le contrôle sur la région, il n'y avait plus de gendarmerie en ville.

La mention "Refusé / Verweigert" est inscrite à la plume au verso, et la marque "Zurück" (retour) est frapée au recto. Elles sont toutes deux datées du 8 décembre.

Enfin, la lettre revint en France où fut aposé le cachet classique "Retour à l'envoyeur".


Conclusion et questions.

Après cette étude, il reste quelques questions ! Tout d'abord est-ce que ces lettres ont été "fabriquées" intentionnellement ? L'expéditeur a-t-il prévu le périple qu'elles allaient accomplir ? Y en at-il d'autres de la même veine ? Ces lettres contenaient-elles vraiment un courrier ? Le nom et l'adresse de l'expéditeur était-il inscrit dans ce courrier pour rendre possible un "retour à l'employeur" ? Pourquoi cette lettre, si elle a bien été expédiée de Guéret, dans la Creuse, a-t-elle étée affranchie et ré-expédiée du bureau du boulevard Malesherbes à Paris ? Et enfin, l'expéditeur a-t-il bien récupéré lui-même ces lettres pour les ajouter à sa collection?

Des questions auxquelles nous n'aurons sans doute jamais de réponses...



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